Mon voyage
Du 30 janvier au 19 mars 2022 en Île-de-France et les Hauts-de-France sur le GR 11
J’ai choisi de partir en plein milieu de l’hiver, en janvier, lorsque la nature est au repos, que le ciel est bas, que le soleil est froid et que les nuits sont longues. J’ai choisi de partir seule, avec ma tente, mon vieux sac à dos délavé et ce rêve un peu fou de marcher pendant 49 jours. J’ai choisi de partir à pied, avec seulement ce que je peux porter, sans autre mécanique que celle de mon propre corps. J’ai choisi de partir près de chez moi pour découvrir ce qui m’entoure, les forêts, les campagnes, la faune et la flore qui peuplent les lieux, les femmes et les hommes qui habitent dans ces espaces. J’ai choisi de partir dans le bassin parisien, un pays sans relief prononcé, un morceau de terre qui me semblait un peu délaissé, méconnu, une destination peu prisée pour réaliser une longue marche. Mes choix ont plus souvent provoqué l’étonnement ou l’incompréhension que l’engouement. Cela ne fait peut-être pas rêver de parcourir l’Île-de-France, de marcher longtemps sans compagnie, de porter un énorme sac, de dormir dehors en plein hiver, mais c’était mon rêve à moi.
L’itinéraire
Jour 1 et jour 49 – Le pylône de la Malmontagne dans la forêt de Fontainebleau, mon point de départ et d’arrivée.
Un livre en cours d’écriture
Tout au long de mon voyage, j’ai tenu un carnet de marche dans lequel j’ai raconté mon quotidien. J’ai beaucoup écrit le soir à la lumière de ma lampe frontale, emmitouflée dans mes sacs de couchage, jusqu’à ce que mes doigts soient glacés.
Dans le livre, j’ai souhaité étoffer le carnet que j’ai écrit cet hiver-là mais aucun élément n’a été déplacé pour faciliter la narration. Le livre conserve la chronologie des événements, des émotions, des pensées et des prises de conscience qui se sont imposées à moi au fur et à mesure de mon voyage. C’est l’expérience telle que je l’ai vécue qui guide le récit.
Extraits de mon carnet de marche
Dimanche 6 février (J 8)
C’est la tempête aujourd’hui. Il y a des rafales à 70km/h…! Je suis partie avant que le soleil se lève. J’ai presque parcouru toute mon étape d’une traite dans la matinée (14 km).
Il y avait plusieurs passages à découvert dans des grandes plaines et j’étais parfois déséquilibrée par les bourrasques avec mon gros sac ! C’était intense avec le vent et la pluie. […] Maintenant, j’ai froid, je suis mouillée. Je suis assise sur des ballots de paille à l’abri de la pluie sous un grand hangar. Il n’y a qu’un mur en tôle pour me dissimuler de la petite route qui sort du village. Le reste est ouvert au vent. […] J’ai froid, mais je suis au sec, je n’ai plus envie de bouger. Je devrai encore marcher quelques kilomètres mais je me sens bien ici, j’ai envie d’y rester ce soir. Je ne sais pas à qui appartient ce hangar, j’espère que ça ne posera pas de problème si on me trouve là.
Lundi 14 février (J 16)
Il n’a pas fait froid la nuit dernière. J’ai dormi d’une traite jusqu’à 2h du matin, puis la pluie m’a réveillée tôt ce matin vers 5h. Deux réveils seulement pendant la nuit, c’est le luxe. Je me suis levée à 8h avec un rayon de soleil.
J’ai marché toute la matinée en direction du ciel bleu en laissant derrière moi les nuages menaçants. Il y avait énormément de vent, une bise glaciale qui me faisait couler le nez. Je suis dans le Pays Mantois, au sud de Mantes-la-Jolie. Les paysages sont très légèrement vallonnés et alternent entre champs, forêts et villages. Il y a souvent des beaux points de vue sur la campagne, j’aime beaucoup. C’est tranquille et reposant.
Samedi 26 février (J 28)
Tout à l’heure, alors que j’étais déjà sous ma tente (il fait très froid), j’ai entendu des bruits de pas dans les fougères sèches, « ok, sans doute des chevreuils ». Mais mon cœur s’est accéléré d’un coup lorsque d’autres sons me sont parvenus. J’entendais un bruit rauque, comme une respiration profonde, un souffle imposant. Tous mes sens se sont mis en alerte. Un coup d’adrénaline. « Je n’ai jamais entendu des chevreuils faire ce bruit… Des sangliers alors ? Ça ne ressemble pas non plus au grognement des sangliers… Des biches peut-être ? » Puis, j’ai entendu des « clac clac… clac clac clac » comme des bois qui se cognent. […] Il faisait nuit, je n’ai rien vu, mais j’ai alors compris que j’étais sur le territoire d’une harde de cerfs.